I.
LE SCRABBLE A L’ÉCOLE Le recours aux jeux de société au sein de la classe nous semble particulièrement enrichissant. Ainsi,
la pratique du jeu de Scrabble présente de multiples intérêts pour
enrichir les connaissances des enfants. Le Ministère de la Jeunesse et
des Sports a d’ailleurs récemment reconnu la Fédération Française
de Scrabble comme « association nationale de jeunesse et d’éducation
populaire ».
L’idée
d’introduire le Scrabble dans les établissements scolaires n’est
pas une idée nouvelle puisque, dès le milieu des années 1970, des
initiatives avaient pris forme, en particulier dans la région Dauphiné-Savoie.
Après quelques démonstrations, des rencontres inter-établissements
ont été organisées et ont confronté de nombreux jeunes joueurs. Dans
les années 1980, c’est en Lorraine qu’un travail considérable a vu
le jour. Initié par un couple d’instituteurs, ce travail a permis
d’insérer le Scrabble en tant qu’outil pédagogique, dans un
premier temps, dans les classes des enseignants concernés, puis, petit
à petit, chez de nombreux autres pédagogues convaincus.
Depuis, des
structures ont été mises en places, non sans l’appui de la Fédération
Française et de la Fédération Internationale de Scrabble, qui ont
apporté leur soutien (notamment avec le prêt de matériel, la rédaction
de guides et la formation d’animateurs). Des clubs scolaires se sont
constitués (plus de 250 actuellement en France), des compétitions sont
nées, accompagnant le nombre croissant d’élèves pratiquant le
Scrabble à l’école.
Une autre expérience
originale est à signaler, en région parisienne. Depuis quelques années,
une personne travaille en partenariat avec l’Education Nationale et la
ville de Villemomble (93) pour « enseigner » le Scrabble et
pour utiliser le mode de pédagogie que le jeu requiert dans de
nombreuses disciplines. Elle intervient dans plus de vingt classes
primaires de la ville, à raison d’une heure par semaine pour chaque
classe. La collaboration étroite avec les enseignants a permis
d’assimiler le Scrabble à une autre discipline scolaire. Cette
insertion du jeu au sein de classes comprenant de nombreux enfants issus
de milieux socialement défavorisés a été un facteur extrêmement
positif pour la lutte contre l’échec scolaire. D’où la
prolongation de cette expérience.
En Normandie,
plusieurs centaines de jeunes sont initiés à la pratique du Scrabble
en milieu scolaire. Une quinzaine d’écoles a ainsi choisi de créer
un club scolaire de Scrabble et bénéficie du soutien du Comité de
Normandie de Scrabble. Ce soutien peut être matériel (prêt de jeux,
prix d’achats réduits…) ou informatif (envoi de documents relatifs
à la pratique du Scrabble en classe, bulletins relatant les
manifestations régionales ou nationales…).
En Lorraine, en
Auvergne, en Champagne, dans les Flandres, en Franche-Comté, dans le
Languedoc-Roussillon, etc., de nombreux moyens sont déployés depuis
quelques années pour intégrer le Scrabble et ses apports dans les
enseignements ; l’activité du Scrabble scolaire dans ces régions est
très importante, et elle suscite un engouement qui tend à se généraliser.
Cette collaboration
doit permettre aux enseignants d’exploiter efficacement
l’utilisation du Scrabble en classe, que ce soit par des démonstrations
d’animateurs spécialisés, l’envoi de documents et le suivi de
l’activité. À terme, des rencontres inter-écoles sont envisageables
afin de décloisonner l’activité et la rendre encore plus ouverte. II.
POURQUOI UTILISER LE JEU DE SCRABBLE ?
II.1. Un jeu mobilisant de multiples compétences
Que ce soit pour l’adulte ou pour l’enfant, la pratique du
Scrabble met en oeuvre des compétences nombreuses et variées. Savoir
jouer au Scrabble ne se résume pas uniquement à savoir construire des
mots (tâche déjà complexe), mais également à savoir placer,
compter, optimiser ces mots, sans oublier les facultés de concentration
et d’attention. Pour toutes ces raisons, ce support nous semble intéressant
dans un but pédagogique, même si, bien entendu, un élève de fin de
cycle 2 ou de cycle 3 ne pourra maîtriser simultanément toutes les
facettes du jeu.
À travers la pratique du Scrabble, les objectifs définis
doivent donner la possibilité :
* à l’enfant de réinvestir une partie de ses connaissances
dans cette activité, de mettre en pratique des compétences diverses et
de compléter ses acquis,
* à l’enseignant de trouver dans ce support une manière
d’intéresser l’élève à certains aspects des apprentissages,
d’aborder et de réinvestir certaines notions (orthographe, grammaire,
calcul mental...).
Comme nous le montrons ci-après, les domaines communs au jeu de
Scrabble et aux objectifs pédagogiques prônés par l’Education
Nationale sont suffisamment nombreux pour que l’usage d’un tel jeu
puisse se révéler intéressant. Il appartient aux enseignants de bien
cerner ces possibilités et d’adapter les séances de pratique aux
objectifs pédagogiques.
II.2. Etablir un lien entre le cognitif et l’affectif
Les aspects cognitifs ne sont pas les seuls à être approchés
lors de l’apprentissage. Il est en effet communément admis que de
nombreux déterminants conatifs (qui sollicitent un effort)
interviennent, comme l’estime de soi, la motivation, l’affectivité...
Il paraît donc essentiel de penser l’apprentissage en rendant compte
du rapport de dépendance entre le cognitif et l’affectif. Ce rapport
se manifeste très naturellement à travers la pratique d’un jeu de
société et favorise donc, si l’activité est menée dans ce sens, le
réinvestissement des connaissances et l’approche de nouvelles. La
relation habituelle élève / enseignant est ici modifiée
avec l’apparition de l’élément-jeu, qui s’impose comme un
support intermédiaire pouvant aider certains enfants à se soustraire
du sentiment d’infériorité parfois éprouvé.
De plus, en s’initiant à un jeu réputé difficile, l’élève
peut élaborer une meilleure image de lui-même en s’autorisant à
penser qu’il est capable de réussir un apprentissage complexe. Dans
ce jeu, la confrontation avec les autres (par l’intermédiaire des
mots et des points) lui permet de s’évaluer, d’élaborer des
interactions avec ses pairs et de se situer dans le groupe. L’enfant,
dans le jeu, ne songe pas seulement à son plaisir, mais a l’ambition
de réussir et de faire preuve de sa valeur (d’où une prise certaine
de conscience de ses propres possibilités). A travers un cadre qui fait
plus que de tolérer les erreurs, la confrontation avec la réalité
(succès et échecs) se fait de manière moins contraignante. Ceci, avec
l’aide de l’enseignant, doit amener les élèves à prendre
confiance en eux, facteur essentiel de la réussite à l’école.
II.3. Les apprentissages fondamentaux
Jouer au Scrabble implique un travail varié sur la maîtrise de
la langue et sur les mathématiques. Les compétences mises en jeu lors
de la pratique de l’activité sont répertoriées à la fin de ce
chapitre et donne une idée de la richesse de l’activité.
II.3.1. Les compétences dans le domaine de la maîtrise de la
langue
En pratiquant le Scrabble, l’enfant sera amené à jouer avec
les mots. Construire, vérifier la validité, utiliser des documents,
rechercher les prolongements possibles, etc. sont autant de
comportements qui participent à l’appropriation de la langue française.
Il est ainsi possible de relier la pratique du Scrabble avec les
Instructions Officielles dans le cas de l’apprentissage de la langue
française. * la lecture
L’élève est placé au cœur du processus de lecture / écriture
puisqu’il va s’agir pour lui de construire des mots à partir de
lettres proposées a priori aléatoirement. Il va donc être amené à
mettre en œuvre ses facultés combinatoires, en reconstituant des
syllabes et en les associant pour recréer une certaine logique. Le
passage par la manipulation (des lettres) peut, de surcroît, l’aider.
L’utilisation de documents d’aide constitue un autre support
de lecture, d’autant plus intéressants qu’il ne se lisent pas de
manière linéaire. Rechercher l’orthographe d’un mot dans le
dictionnaire, lire une définition, consulter des tables de
conjugaison... sont autant d’outils requis pour une pratique efficace
et motivante du jeu. * l’orthographe
lexicale
Pour l’élève, bien jouer au Scrabble sera synonyme de
victoire. Dans ce jeu, une faute d’orthographe et c’est la nullité
du coup. Pour se montrer meilleur que son camarade, il aura donc tout
intérêt à proposer des mots bien orthographiés ! Il sera alors
particulièrement sensible à l’écriture de ses mots et portera ainsi
plus d’attention aux constantes orthographiques de notre langue et à
ses disparités. Là encore, le recours à des documents d’aide et de
vérification (dictionnaires…) favorisera le développement de ses
propres compétences. * La grammaire et la
conjugaison
Les élèves sont amenés à construire et à proposer de
nombreux mots. Il est donc particulièrement aisé d’exploiter les
différentes propositions afin d’analyser plus spécifiquement
certaines. Et même si les éléments de grammaire abordés par le
Scrabble s’éloignent de la structure phrase, ils concernent néanmoins
l’identification des modes et temps des auxiliaires, des verbes, avec
la possibilité de repérer certaines particularités ou irrégularités
au niveau morphologique. De même pour les différentes classifications
des mots (adjectifs, noms, adverbes...).
La conjugaison des verbes représente l’essence même du jeu,
de par la richesse des formes conjuguées dans la langue française.
Notre langue permet ainsi de changer la conjugaison d’un verbe en
ajoutant ou substituant une ou plusieurs lettres (par exemple, manger -
mangera - mangerai - mangerait), ce qui permet de voir au cours d’une
partie différents temps d’un verbe. Il est donc facile d’orienter
l’activité vers des études de temps, de radical-terminaison, de
verbes défectifs... * le vocabulaire
La multiplication des mots rencontrés permet une exploitation
enrichissante de certains d’entre eux. Que ce soit pour la recherche
d’une définition dans un dictionnaire, ou bien pour la recherche
d’homonymies, d’antonymies, de synonymies…, l’analyse des mots
couvrira de multiples facettes et touchera de nombreux domaines liés au
vocabulaire. *
l’expression orale
L’analyse des situations de jeu, des démarches, des mots
proposés par les pairs… permet de travailler l’expression orale, en
particulier lors des explicitations et des justifications. L’enfant
sera en effet constamment amené à justifier la validité des mots
qu’il a trouvés, que ce soit pour
l’orthographe, le sens, le score ou le placement. De plus, on
incitera les élèves à s’interroger sur les méthodes de
construction de ces mots et à expliciter leurs démarches, pour dégager
certaines constantes. * la production d’écrit
La principale production d’écrits concerne la formation même
des mots et leur écriture correcte. Les mots trouvés peuvent être
reportés dans un document personnel (cahier, carnet...) ou un document
commun à la classe. De plus, petit à petit, les élèves sont amenés
à tenir une « feuille de route », feuille sur laquelle ils noteront
la partie qu’ils sont en train de disputer.
Une pratique régulière du Scrabble peut également déboucher
sur la rédaction de textes prescriptifs, liés aux règles du jeu.
II.3.2. Les compétences mathématiques
Il serait inexact de penser que le Scrabble ne favorise les
apprentissages que dans le domaine du français. Bien au contraire, la nécessité
de compter les points de chaque mot trouvé entraîne de nombreux
calculs. En effet, l’élève est constamment amené à additionner et
à multiplier mentalement, ce qui implique un excellent exercice de
travail de la mémoire à court terme. L’entraînement de cette dernière
renforcera l’efficacité de l’élève dans ses autres activités
calculatoires. De surcroît, l’élève, motivé par l’enjeu que représente
une victoire possible, essaiera de compter le plus rapidement possible
s’il veut optimiser ses recherches, d’où un rendement accru.
Au cours des séances, il conviendra de bien repérer les procédures
employées par les élèves, ceci afin de les comparer et à les
enrichir. La recherche de l’efficacité et de la rapidité entraînera
l’utilisation de procédures expertes.
Le recours à la manipulation des lettres, à la formation de
groupes de lettres et de syllabes complètes peuvent favoriser une
initiation prudente aux combinaisons et à la probabilité.
Le support-grille du jeu de Scrabble représente également un
support intéressant en géométrie (la disposition de la grille doit
aider l’élève à manier les situations de symétrie qu’il peut
rencontrer) et pour le repérage, puisque la désignation de la place de
chaque mot se fait par référence alphanumérique.
II.4. Les compétences transversales.
Outre ses apports dans le domaine de la maîtrise de la langue et
des mathématiques, le Scrabble, comme tout jeu de société, permet de
développer de nombreuses compétences transversales. * la concentration.
Savoir se concentrer est un élément essentiel pour quiconque désire
optimiser ses performances. Or, un élève pris par le jeu et désireux
de s’y montrer à son avantage fera preuve d’une concentration
qu’il n’aurait peut-être pas développée au cours d’activités
classiques de classe. * l’organisation et
la rigueur.
Construire de nombreux mots et arriver à les optimiser en trouvant la
meilleure place sur la grille ne sont pas le fruit du hasard mais bien
l’aboutissement d’une recherche orientée. L’élève devra donc
adapter sa recherche en fonction des lettres composant son tirage et,
bien entendu, de l’évolution constante de la grille, d’où la nécessité
de constamment s’organiser pour optimiser sa phase de réflexion et
adopter une démarche rigoureuse.
De
plus, la recherche du maximum s’apparente à une recherche
de la « vérité » puisque l’enfant sait
qu’il existe un coup référence qui ne peut
être dépassé. A l’issue de sa
réflexion, l’élève devra également
mener à bien son argumentation afin d’expliciter son
raisonnement. * la vitesse de réflexion
et de combinatoire.
Chaque coup de Scrabble se jouant dans un temps limité, le nombre de
mots trouvés (et donc la possibilité de trouver la meilleure solution)
sera d’autant plus important que la vitesse de réflexion sera rapide.
Il est donc de l’intérêt du joueur de chercher vite et efficacement,
tout en optimisant sa combinatoire. L’élève est ainsi constamment
entraîné à maîtriser des informations, à prévoir et à confronter
simultanément des solutions diverses. Construire des mots, les placer,
compter le nombre de points tout en prenant, comparant et sélectionnant
un certains nombre d’informations, telles sont les nombreuses tâches
à mener au cours d’une recherche de quelques minutes ! * le transfert de
connaissances et de compétences.
La difficulté de la pratique du Scrabble ne provient pas de la compréhension
des règles de jeu (qui sont simples) mais bien de la somme de
connaissances et de compétences à mettre en œuvre pour optimiser ses
résultats. Il nous semble donc évident que l’enfant, dans son désir
de réussir, cherchera à mobiliser ses connaissances. Avec plus ou
moins de réussite, puisqu’il est clairement reconnu que le transfert
de compétences est difficile. Une occasion néanmoins de travailler ce
transfert dans une activité de moindre enjeu (l’enjeu ludique de la
victoire ou de la défaite). * la vision spatiale.
L’enfant va se former progressivement à une vision globale et
analytique de la grille, vision qui ne peut être statique puisque, à
tout moment du jeu, la configuration de la grille se modifie, d’où un
appel à l’adaptabilité du joueur. * la maîtrise de soi
et le respect des autres.
Au cours du jeu, l’élève est également amené à garder le contrôle
de soi et à respecter certaines règles. Ainsi, il devra attendre la
fin du temps de recherche avant de proposer sa solution (et non
intervenir au cours de la phase de réflexion), attendre son tour avant
de prendre la parole, écouter les solutions des autres groupes,
comparer... De même, au cours de ses propres recherches, il devra mener
à son terme son raisonnement et non se contenter de sa première
trouvaille et stopper sa réflexion. Pour toutes ces raisons, la
pratique du jeu incite à un meilleur contrôle de soi et à bien
prendre conscience que les autres joueurs font partie intégrante du
jeu, et qu’il convient donc de les respecter et de les écouter. III.
COMMENT PRATIQUER LE SCRABBLE DANS UNE CLASSE ?
III.1. Quelle formule adopter
La formule classique du jeu de Scrabble voit deux à quatre
joueurs s’affronter autour d’une même grille, chacun jouant à tour
de rôle avec les lettres qu’il a tirées aléatoirement. Cette
formule, qui privilégie l’aspect tactique dans le cadre d’un
affrontement direct, ne semble pas la mieux adaptée à une exploitation
enrichissante en classe. De plus, elle se prête mal à une exploitation
collective, car les élèves n’ont pas tous les mêmes lettres et la même
configuration de grille. Par
contre, la formule « duplicate » (décrite dans la première partie de
la brochure) est beaucoup plus simple à exploiter, ce qui en fait sa
force. Tous les enfants ayant simultanément les mêmes lettres et la même
configuration de grille, il est possible d’analyser collectivement les
mots trouvés, de décrire les procédures de construction, de détailler
le comptage des points, etc.
L’activité devient alors d’une grande richesse dans tout son
ensemble, que ce soit pendant les recherches ou bien pendant les phases
intermédiaires, où seront analysées les propositions des enfants.
III.2. Comment exploiter efficacement une partie de Scrabble
duplicate ?
Le déroulement d’une partie de Scrabble duplicate voit la
succession récurrente de deux types de phases.
- une phase de
recherche individuelle (ou en binôme, ce que nous préconisons
au départ de l’activité), où l’élève essaie d’exploiter le
tirage de lettres dont il dispose, cherche à combiner pour trouver des
mots, place ses trouvailles, les compte, vérifie l’orthographe...
- une phase
collective de mise en commun, où les enfants sont amenés à
proposer leur solution, qui
va être analysée par le reste du groupe classe : validité du mot,
nombre de points, placement, comparaison avec les autres, analyse
grammaticale, remarques de conjugaison...
L’activité sera d’autant plus riche que ces deux phases
seront bien exploitées. En effet, si la phase de recherche reste
primordiale (car l’enfant doit mettre en œuvre ses compétences), la
phase d’analyse sera là pour enrichir la situation. Elle ne doit pas
se restreindre à une simple validation des mots et des scores, mais
bien rejaillir sur certaines compétences à développer.
De plus, si les enfants sont les principaux acteurs de la
situation de jeu, le rôle de l’enseignant n’en reste pas moins
important, puisqu’il il va les guider dans les phases de leur
recherche et de leur analyse. Quatre points semblent particulièrement
importants pour orienter les interventions de l’enseignant et enrichir
les situations.
- la recherche des
mots
(phase individuelle de recherche). Pendant que les enfants cherchent
à construire et à placer, il convient de les guider. On
peut donner des aides portant sur la construction même des mots
(association de lettres pour former des graphèmes courants tels
-CH-, -OU-..., recherche de terminaisons extraites de certaines
conjugaisons telles -ERA, -AIT, -IONS ...) ou portant sur le placement
(recherche de places lucratives, considération des mots
déjà posés pouvant être
complétés...).
- la construction
du mot retenu (phase collective d’exploitation). Tous les mots
proposés étant affichés, il est possible de visualiser leur
orthographe et donc de voir comment les lettres ont été associées.
Les enfants ayant trouvé cette solution peuvent expliquer à leurs
camarades comment ils ont procédé pour y parvenir. Si un certain
nombre de mots ont pu être trouvés de manière « intuitive », de
nombreux obéissent à des règles de construction, qui font appel à
des compétences en combinatoire (formation de graphèmes comme
ci-dessus, construction de terminaisons...).
- l’analyse du
mot retenu (phase collective d’exploitation). La majorité des
mots retenus constitue une ouverture possible sur des règles
d’orthographe ou de conjugaison. Par exemple, poser le mot JETÉ
incite à rechercher les prolongements autorisés (JETÉS, JETER, JETÉE,
JETEZ, mais pas « jètent » ou « jètera ») et donc à considérer
les règles se rapportant aux verbes se finissant en -ETER (et, par
analogie, ceux en -ELER). De même si le mot retenu est TUTOYER,
l’interdiction du rajout -A (pour un éventuel « tutoyera »)
permettra de rappeler les règles de conjugaison des verbes en -OYER
(et, par analogie, ceux en -UYER et -AYER). Bien d’autres exemples
sont possibles, qu’ils concernent la conjugaison ou bien
l’orthographe (par exemple la formation des pluriels, des féminins)...
- l’anticipation
des coups suivants
(phase de recherche collective au départ, puis progressivement
individuelle). Une fois le mot référence posé, il
faut inciter les enfants à anticiper la suite du jeu. Pour cela,
il faut repérer sur la grille les places intéressantes,
mais surtout imaginer les prolongements des mots déjà
placés (par exemple, un S ou un T au bout du mot PENCHAI, permet
de transformer le passé simple en imparfait de
l’indicatif). Ce travail sera d’autant plus rapide et
efficace que l’analyse du mot référence aura
été précise. Cette réflexion prospective
est une compétence fondamentale que l’enfant pourra
réinvestir dans bien d’autres situations.
III.3. Quelles types de parties faire jouer aux élèves ?
Jouer une partie de Scrabble se révèlera d’autant plus
enrichissant si l’enseignant sait l’exploiter. Ainsi, même s’il
est possible de proposer des parties dont le tirage des lettres se fera
de manière totalement aléatoire (avec donc la possibilité de déboucher
sur des solutions plus ou moins aisées à trouver et plus ou moins intéressantes
au niveau de l’exploitation pédagogique), nous pensons qu’il est préférable
d’anticiper les tirages proposés afin de mieux apprécier les
difficultés (construction des mots et connaissances nécessaires) et de
cibler les compétences que l’on souhaite développer chez les élèves.
Ainsi, les parties préconisées tournent autour de plusieurs
axes.
- des parties thématiques
(orthographe lexicale, vocabulaire). Elles comportent un nombre
important de mots appartenant à un même champ lexical permettent à
l’enfant de retrouver un vocabulaire qu’il maîtrise déjà (et
qu’il pourra ici réinvestir) ou qu’il pourra enrichir. La
connaissance par l’enfant du thème peut l’amener à faire preuve
d’anticipation et à mieux orienter ses recherches. Le vocabulaire inséré
dans la partie peut dépasser le cadre du champ lexical pour s’adapter
aux séquences orthographiques menées dans la semaine ou aux échelles
de fréquence.
- des parties
grammaticales (grammaire, conjugaison). Ces parties se
rapprochent des parties thématiques dans le sens où un point précis
est approfondi au cours d’une même partie, à travers de multiples
mots s’y rapportant. Cette fois, l’élément ciblé peut concerner :
- la conjugaison :
étude d’un temps (par exemple, l’imparfait de l’indicatif avec
des tirages permettant de former les terminaisons -AIS, -AIT ...) ou étude
d’une catégorie spéciale de verbes (par exemple, les verbes du deuxième
groupe, les verbes en -ELER ou -ETER qui doublent le L ou le T dans
certains cas, les verbes intransitifs...),
- la grammaire et
l’orthographe grammaticale : étude d’un type de mots (les
adverbes, les adjectifs et leurs différentes formes...) ou étude de
certains points spécifiques (le pluriel des mots en -AL, le féminin
des adjectifs en -ON, la différenciation entre le participe présent et
l’adjectif verbal...)
- des parties
techniques. Elles font plus appel aux compétences
transversales. Le but est de stimuler la réflexion de l’enfant en
analysant le support « grille ». À chaque coup, une analyse
minutieuse de la grille doit amener l’enfant à émettre des hypothèses
quant au coup suivant. Il devra ainsi repérer les places sensibles et
pouvant valoriser les mots, rechercher les prolongements des mots et
leur intérêt éventuel, imaginer des mots pouvant être placés,
anticiper à partir des lettres non encore utilisées... Ce type de
parties présente l’avantage de fournir, sur chaque coup, de
nombreuses solutions accessibles pour les élèves : ces derniers, quel
que soit leur niveau de jeu, pourront donc aisément construire et
placer leur mot, surtout s’ils tiennent compte de l’étude
collective de la grille.
III.4. Le Scrabble pour renforcer, réinvestir et remédier !
Une pratique régulière du Scrabble est nécessaire pour être réellement
bénéfique. Jouer des parties de manière trop épisodique ne peut
permettre à l’enfant de bien saisir toutes les subtilités nécessaires
pour progresser. Une moyenne d’une séance d’une heure par semaine
représente un bon rythme.
Un atout de la pratique du Scrabble réside dans les différentes
manières de l’utiliser. Pour l’enseignant, une séance de jeu
pourra viser des objectifs adaptés aux enfants le pratiquant.
- jouer pour réinvestir.
La situation du jeu peut permettre de réinvestir des connaissances qui
auront été au préalable travaillées en classe. Des mots usuels dont
l’orthographe doit être connue, des conjugaisons de verbes, des mots
aux accords particuliers... trouveront très facilement leur place dans
une partie préparée et permettront à l’enseignant de voir si les
enfants sont capables de mettre en pratique leurs connaissances dans un
autre cadre (où l’enfant ne s’attendra pas forcément à retrouver
les notions abordées en classe).
- jouer pour
renforcer. De la même manière, suite à un travail spécifique
sur une notion, il est possible de proposer une partie reprenant des
connaissances acquises tout en mêlant des connaissances plus
approfondies sur le thème. Une autre manière, donc, de les aborder.
- jouer pour remédier.
Le jeu en groupe restreint peut être une situation idéale pour
travailler avec des élèves en difficulté. A travers le cadre moins
contraignant du jeu, il est possible d’intéresser ces élèves et les
inciter à rentrer dans une activité qui touche au français et aux
mathématiques. L’enseignant pourra tirer de leur motivation à former
des mots un biais pour leur enseigner certaines notions qui leur
auraient paru rébarbatives mais qui, ici, deviennent intéressantes,
car elles représentent le moyen pour eux de marquer plus de points que
le camarade ! IV. COMMENT METTRE EN PLACE
L’ACTIVITÉ ?
IV.1. Se former à la pratique du Scrabble
Si animer une séance de Scrabble duplicate avec des élèves est
à la portée de tous (à partir du moment où la formule duplicate est
comprise), l’exploiter de manière efficace demande un peu plus
d’expérience. C’est dans ce but que ce document a été créé,
afin d’aider des animateurs volontaires à démarrer une séquence et
proposer des parties accessibles pouvant facilement être exploitées au
niveau pédagogique.
Cependant, pour toute aide supplémentaire, il est possible de
faire appel à votre comité régional. En effet, le délégué régional
peut venir bénévolement dans une classe afin :
- de fournir le matériel nécessaire au démarrage de la
pratique
- de présenter la pratique du Scrabble en classe
- de faire émerger les intérêts pédagogiques du jeu
- de définir une progression possible pour les séances
- de mener en classe les premières séances
- d’assister les enseignants lorsque ceux-ci mèneront
leurs premières séances.
- de présenter
l’activité aux élèves
IV. 2. Avoir les moyens de poursuivre sans l’assistance du délégué
régional
Une fois la pratique initiée et bien assimilée, il faut avoir
les moyens de poursuivre seul. Là encore, les enseignants peuvent
solliciter le comité régional et la fédération afin d’assurer un
suivi régulier.
Si l’enseignant décide de poursuivre une pratique régulière, il peut souhaiter faire jouer des parties ciblées à ses élèves (sur des points travaillés récemment en classe, par exemple les pluriels, l’imparfait de l’indicatif…). Or, la préparation de parties est une tâche plus ardue. Il pourra alors recevoir plusieurs brochures destinées au Scrabble scolaire. Ces brochures regroupent des jeux de lettres (anagrammes, mots croisés...) portant sur des thèmes variés (lexicaux et grammaticaux) et des parties préparées portant sur ces mêmes thèmes. Ces parties fort bien adaptées aux élèves de cycle 3 constituent une base solide de travail. Il ne sera alors que plus facile de s’en inspirer pour créer ses propres parties et ainsi mieux cibler le contenu des séances. L’envoi de brochures et de documents de ce genre est vivement encouragé lorque le club est affilié à la Fédération. Le montant de l’affiliation annuelle est dérisoire : il s’élève à 15 euros
Au niveau matériel, la pratique régulière du jeu entraînera
la mise à disposition, par le comité régional, de boîtes de jeu. Ce
matériel, prêté dans un premier temps, appartiendra à l’école si
la pratique se pérennise. Mais le matériel ne représente pas un problème
majeur, un stock de jeux pouvant se constituer au sein de l’école par
apports personnels.
IV. 3. Assurer un suivi et développer les échanges
Il semble également essentiel de maintenir le contact entre
notre structure et les enseignants qui se seront engagés dans cette expérience.
Ce suivi se fera toujours par l’intermédiaire de votre délégué régional
(voir page suivante) qui gardera le contact et fournira les informations
nécessaires au développement et à l’entretien de l’activité. De
plus, la multiplication des classes pratiquantes doit être un point de
départ pour des rencontres inter-classes et inter-écoles. En effet,
les enfants ayant été initiés à cette formule duplicate pourront se
confronter lors d’une demi-journée et représenter leur classe ou
leur école.
Enfin, les écoles les plus intéressées peuvent créer un club
scolaire en l’affiliant à la Fédération Française de Scrabble. Ce
club peut aussi bien concerner les séances qui se déroulent pendant
les horaires de classe que la pratique du Scrabble lors des plages
libres, par exemple sur le temps du midi, pour les demi-pensionnaires,
ou sur un créneau du temps scolaire établi en relation avec le
directeur de l'école. N’hésitez pas à contacter pour cela la Fédération
Française de Scrabble.
|